Les insectes font l’objet d’une catégorie spéciale dans l’art chinois et japonais, celle des kusamushi-e (草虫絵) ou “Herbes et insectes”.
Depuis aussi loin qu’on se souvienne, les insectes ont sans cesse été observés, recensés, collectionnés puis peints ou gravés. Tout comme dans la catégorie des kachô-e (花鳥絵) “Fleurs et oiseaux”, où chaque espèces d’oiseaux est associée à une fleurs, ici, chaque insecte est associé à une herbe ou plante.
Comme le printemps s’en vient, aujourd’hui je te parle de papillon.
papillon chô 蝶
Le papillon est souvent associé à la pivoine, car tous deux représentent la longévité :
La pivoine pour son nom chinois meoutan qui comporte le mot tan (cinabre), drogue d’immortalité qui l’associe au phénix1. Le papillon pour le jeu de mot avec le terme “septuagénaire”, tout deux se disant t’ie.2 Par association, ces deux motifs ensemble sont devenu le symbole porte-bonheur de longévité.
Au Japon, la papillon est aussi un esprit voyageur qui peut annoncer une visite ou la mort d’un proche. Par extension, la rencontre avec un papillon blanc est perçu dans la croyance populaire comme la visite de l’âme d’un défunt.
Les représentations du thème des “herbes et insectes” sont ainsi des images véhiculant des messages symboliques et font le délice des amateurs lettrés qui sauront les déchiffrer.
Dans ce contexte, les estampes nishiki-e (錦絵, litt. “image de brocard”) étaient des supports privilégiés. Ce sont effectivement des œuvres luxueuses destinées à un public de riches amateurs, mettant en avant les prouesses de composition des artistes mais aussi le talent des imprimeurs tout en jouant sur les effets de mode.
- CHEVALIER Jean, GHEERBRANT Alain, Dictionnaire des symboles, éd. Robert Laffont et éd. Jupiter, Paris, 1982, p.762.
- Ibid, p.728.
Ici un magnifique exemple de Hiroshige dans un format vertical. Les pivoines délicatement colorées répondent à un papillon plutôt terne qui permet ainsi de ne pas saturer l’image. La composition simple et efficace de cette estampe ravi le spectateur qui se sent transporté en Chine.
La touche chinoise est encore accentuée par l’inscription en haut à gauche, imprimé dans une police particulière.
牡丹花福貴者也
Botange fukisha nari
“bénédiction de la fleur de pivoine” *
Répondant à la signature en bas à droite, ces deux inscriptions encadrent l’image harmonieusement et créent un jeu visuel délicat.
*traduction non vérifiée… je ne parle pas chinois ( ^-^ ).
Voici un deuxième exemple où on retrouve cette association du papillon et de la pivoine. Il s’agit cette fois d’une œuvre de Katsushika Hokusai.
Ici les pivoines sont plus présentes, comme si Hokusai nous invitait à découvrir son jardin. Le spectateur peut imaginer plonger sa main dans le buisson et sentir le parfum envoutant des pivoines. Chez Hiroshige il s’agissait plus d’une image voulue synthétique, représentative d’un message symbolique. Ici les symboles sont tout aussi présents, mais donne l’illusion d’une plus grande intimité entre image et spectateur.
J’aime bien aussi le traitement du papillon qui nous montre un point de vue particulier puisque l’artiste a choisi de nous montrer les ailes vues de dessus, selon un angle peu évident.
Je termine avec un poème de Bashô :
物好や匂わぬ草にとまる蝶
monozuki ya niowanu kusu ni tomaru chô
.
un papillon se pose
sur une herbe sans odeur
curiosité
.
Dans mon prochain article j’aborderai l’influence occidentale dans la perception et la représentation des insectes dans les œuvres de l’époque Edo.
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Lors de ma boutique popup “Un air de printemps”, les papillons seront aussi à l’honneur. Ne manque pas ces prochaines dates d’ouverture : 17 au 23 avril 2023. Ça se passera dans l’onglet “boutique”.
Je suis bien impatiente de te faire découvrir mes nouveaux motifs printaniers et mes produits spécialisés autour du haiku et du japonais!