Pour ce nouvel “haiku décortiqué”, je t’invite à découvrir un haiku d’automne de Santôka Tenada (1882-1940), moine zen, vagabond et poète.
Petite récapitulation de ce qu’on attend d’un haiku classique:
- la métrique 5-7-5, qui donne au haiku classique tout son sens et rend le poème réutilisable dans différentes situations (renga).
- 1 kigo ou mot de saison qui pose un décor, provoque des images et des sensations dans l’imaginaire du lecteur
- 1 mot de césure qui viendra donner de la profondeur au poème en suggérant une émotion plus ou moins intense.
L’analyse en image :
*haijin = poète haiku
La métrique 5-7-5
Ici la métrique 5-7-5 n’est pas respectée, mais c’est un choix délibéré et même revendiqué par l’auteur.
En effet, Santôka fait partie de cette nouvelle vague de haijin du début du 20e siècle qui voyaient la forme classique du haiku comme obsolète et figée dans un carcan de règles et d’images ayant perdu leur sens. Il prônait donc l’abandon de la métrique ainsi que l’utilisation du kigo (mot de saison) au profit d’une forme poétique complétement libre. Pour lui la poésie repose sur la “pure expérience” du poète et de sa manière unique de la retranscrire et de la partager au monde.1
Avec ce poème, j’ai envie de t’inviter à la réflexion.
Si les poètes du début du 20e siècle se sont rebellés contre les règles du haiku classique (haikai de Bashô et haiku de Shiki), comment aujourd’hui, peut-on différencier un haiku de forme libre (sans règles) d’un poème court ? En d’autres termes, est-ce qu’un poème libre reste un haiku ?
Donne-moi ton avis en commentaire ou par retour de mail.
1.COLLET Hervé, CHENG Wing fun, A la recherche de l’instant perdu, anthologie du haiku, éd. Moundarren, 1991, p.7-8.
Un kigo
Ici, même si pour Santôka le kigo n’est pas obligatoire, on trouve le kigo shigure ou “averse d’automne”. Ce terme ajoute une dimension de solitude liée à cette saison. Ce seul mot donne tout son sens à ce poème si court. On comprends ainsi l’importance du kigo qui permet de faire résonner scène et expérience dans le corps et le cœur du lecteur. Sans le lecteur, ce poème serait un peu nu.
Un mot de césure
Le mot de césure dans ce poème est ka, soit la question. Le poète (et le lecteur) se trouve dans un moment d’incertitude ou l’appel aux souvenirs et à l’imaginaire est fortement sollicité. Ainsi face au doute évoquée par cette scène, chacun se remémore le bruit de la pluie d’automne, amortie par les feuilles mortes, forte de cette odeur terreuse, en comparaison à la tempête d’été si violente et le pluie de printemps si salutaire.
Pour toi, quelle bruit fait la pluie d’automne ?
Alors ?
Et toi, quelle est ton interprétation?
Est-ce que dans tes poèmes tu arrives à suggérer ce genre de scène on es-tu encore trop dans la description?
Pour aller plus loin…
Découvre les poèmes de Santôka avec ce recueil aux éditions Moundarren : Santôka, zen, saké et haïku, 2013.
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