Tsukiyoka Yoshitoshi – Cent aspects de la lune

Yoshitoshi et son œuvre

Tsukioka Yoshitoshi (月岡 芳年, 1839-1892) est souvent considéré comme le dernier grand maître de l’estampe ukiyo-e (浮世絵, images du monde flottant), ce fameux style d’estampes japonaises popularisé durant l’époque Edo (1603-1868) qui représente le summum de l’élégance faste, notamment avec ses nishiki-e (錦絵, image de brocart). Alors que cette tradition artistique commençait à décliner avec l’ère Meiji (1868-1912), Yoshitoshi a su revitaliser le genre en intégrant des éléments narratifs complexes et une imagerie poignante.

Son œuvre est profondément marquée par son maître, Utagawa Kuniyoshi (歌川 国芳, 1798-1861), l’un des artistes les plus influents de l’école Utagawa, réputé pour ses représentations audacieuses de guerriers, de scènes mythologiques et d’histoires fantastiques.

Utagawa Kuniyoshi, Miyamoto Musashi attaquant une baleine géante, vers 1847.

Kuniyoshi était reconnu pour sa capacité à capturer des scènes dynamiques, des récits dramatiques, souvent teintés de violence ou de surnaturel. Ces thèmes sont repris et amplifiés dans les œuvres de Yoshitoshi représentant des batailles héroïques et des guerriers légendaires. Le sens du détail de Kuniyoshi, sa maîtrise des lignes et des compositions complexes, ainsi que sa propension à incorporer des éléments surnaturels et épiques ont profondément influencé Yoshitoshi dans sa propre approche de l’ukiyo-e.

Malgré cette forte ascendance, Yoshitoshi a su forger une identité artistique distincte en intégrant des thèmes plus introspectifs et émotionnels, souvent en lien avec la psychologie des personnages et les tourments de la condition humaine. Là où Kuniyoshi excellait dans les représentations épiques et héroïques, Yoshitoshi a approfondi les émotions individuelles, introduisant une sensibilité nouvelle à travers ses estampes et a su capter le cœur et l’esprit des Japonais en pleine transition culturelle et politique.

La série “Cent aspects de la lune” (月百姿, Tsuki hyakushi), réalisée entre 1885 et 1892, est considérée comme le sommet de l’art de Yoshitoshi, illustrant son habileté à marier le traditionnel et le moderne dans une époque en plein bouleversement. Cette série montre comment Yoshitoshi a gardé l’héritage traditionnel de l’estampe tout en le poussant vers de nouvelles formes d’expression narrative et visuelle, faisant de son ultime œuvre aboutissement de son art.

Yoshitoshi, “Sun Wukong et le lapin de jade”, in Cent aspects de la lune, planche n°73, 1886.

La série “Cent aspects de la lune”

La série “Cent aspects de la lune” (月百姿, Tsuki hyakushi) se compose de 100 estampes, chacune mettant en scène une histoire où la lune joue un rôle central ou symbolique. Ces scènes sont tirées de la littérature classique, de récits historiques, de légendes et de contes populaires japonais et chinois.

La série est riche en symbolisme, et la lune y est omniprésente, comme un miroir des états d’âme des personnages. Elle sert de fil rouge, de fil conducteur à toute la série, comme un personnages central sur lequel on peut toujours compter. Qu’elle soit pleine, voilée par les nuages, ou partiellement visible, elle influence le ton de chaque scène, accentuant soit le mysticisme de la scène, soit l’introspection des personnages.

D’un point de vue technique, Yoshitoshi innove en combinant des techniques traditionnelles avec une sensibilité moderne. Il introduit une palette de couleurs plus riche que ses prédécesseurs, notamment en jouant avec des tons plus subtils et en accentuant les contrastes. Le ciel nocturne et le contraste avec les tons doux et délicats de la lune offrent un terrain de jeu pour l’artiste qui la profondeur d’un et de l’autre pour faire naître mystère, inquiétude ou émerveillement dans le cœur du spectateur.

Scènes guerrières, de l’imaginaire et de l’audace

Par exemple, sur la planche n°8 de la série, intitulée Gekka no sekko ou “Patrouille de nuit”, Yoshitoshi dépeint Saitō Toshimitsu (1534-1582), un vassal du célèbre général Akechi Mitsuhide (1526-1582) qui provoqua la mort du général Oda Nobunaga lors de l’incident Honnô-ji1 en juin 1582.

Cette scène de nuit se situe avant la bataille de Yamazaki (山崎の戦い, Yamazaki no tatakai). Cette bataille historique découle de l’incident du Honnô-ji où Nobunaga a trouvé la mort et voit la confrontation entre les forces de Mitsuhide et celles de Toyotomi Hideyoshi et des forces fidèles à Nobunaga et son projet d’unification du Japon2.

1. Cet incident et la bataille de Yamazaki sont racontés dans le Taikô-ki (太閤記), biographie de Toyotomi Hideoyoshi publiée en 1626. En résumé, Mitsuhide, un général vassal de Nobunaga, l’a trahi et a mis feu au temple Honnô-ji où Nobunaga se reposait. Voyant qu’il n’y avait pas d’issue possible, Nobunaga s’est donné la mort par seppuku (mort honorable pour un guerrier). La bataille de Yamazaki est la suite de cet incident, où les forces alliées à Nobunaga menées par Hideyoshi écrasèrent le clan de Mitsuhide (Dictionnaire historique du Japon, vol 1, p.1052).

2. Oda Nobunaga (1534-1582) était un général (daimyô) japonais et une des figures majeures des périodes Muromachi (1336-1573) et Azuchi-Momoyama (1573-1603). Il a porté une vaste opération d’unification du territoire japonais. Assassiné avant de voir sa vision d’un Japon uni et en paix se réaliser, c’est son successeur Toyotomi Hideyoshi qui finira son œuvre (Dictionnaire historique du Japon, vol 2, p.2107-2109).

Yoshitoshi, “Gekka no sekko”, in Cent aspects de la lune, planche n°8, 1885.

L’image montre Toshimitsu dans un moment dramatique de tension, patrouillant sur la rivière Kamo, proche de Kyoto. Armé d’une lance, il est prêt au combat, mais pour l’instant il ne peut que scruter la pénombre dans l’attente de l’ennemi. Le clair de lune ajoute une dimension à la fois sereine et sinistre à la scène silencieuse qui précède la bataille, un contraste souvent utilisé par Yoshitoshi pour souligner le côté héroïque et tragique des personnages historiques.

Le ciel nocturne, éclairé par la pleine lune, enveloppe la scène dans une ambiance onirique, presque surnaturelle, créant une impression de calme avant la tempête et la violence. La présence de la lune souligne également l’idée de destin inévitable et de sacrifice tellement mis en avant dans les récits épiques.

Scène poétiques et théâtrales

Dans une autre estampe intitulée Sotoba no tsuki ou “Lune sur stûpa” (planche n°25). On y trouve la poétesse Ono no Komachi ((小野 小町, 825-900), une figure historique du IXe siècle célèbre pour sa beauté et ses poèmes mélancoliques. Dans cette planche, la lune symbolise la beauté qui s’efface et la solitude, un thème central dans la poésie japonaise.

Yoshitoshi, “Sotoba no tsuki”, in Cent aspects de la lune, planche n°25, 1886.

La scène montre la poétesse assise sur un sotoba (translittération du mot sanskrit stûpa, il s’agit d’une structure ou d’un édifice sacré contenant une relique de Bouddha ou d’un saint. Au Japon un sotoba peut aussi être des plaquettes de bois avec inscriptions que l’on laisse en offrandes aux défunts, dressée sur les tombes.)1 à terre, âgée, en habits élégants et riches mais flanquée d’un vieux chapeau de paille délabré. Elle attend là, à la lueur de la lune.

On peut y voir une scène de théâtre Nô Sotoba Komachi (“Le stûpa de Komachi”) où deux prêtres rencontrent une vieille femme assise sur un stûpa et qui se lamente sur sa beauté fanée et sa vie passée2. Sa place historique ainsi que son aura populaire fait d’elle un parfait sujet dramatique pour Yoshitoshi.

  1. https://www.aisf.or.jp/~jaanus/deta/t/tou.htm
  2. https://www.the-noh.com/en/plays/data/program_069.html

L’héritage de Yoshitoshi et la résonance contemporaine de son œuvre

L’influence de Yoshitoshi et de sa série “Cent aspects de la lune” perdure bien au-delà de son époque. En effet, bien que le Japon de la fin du XIXe siècle soit marqué par la modernisation rapide et l’introduction de techniques occidentales, Yoshitoshi a réussi à préserver l’essence des traditions japonaises tout en renouvelant l’art de l’ukiyo-e. Aujourd’hui, ses œuvres continuent d’inspirer des artistes à travers le monde, en raison de leur beauté, mais aussi de la richesse émotionnelle et narrative qu’elles contiennent.

Si tu veux aller plus loin, retrouve toutes les œuvres de cette série (avec explications en anglais) sur https://yoshitoshi.net/series/100moon.html

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Sources en ligne :

https://yoshitoshi.net/series/100moon.html

https://www.aisf.or.jp/~jaanus/deta/t/tou.htm

https://www.the-noh.com/en/plays/data/program_069.html

Bibliographie

  • Dictionnaire historique du Japon, vol 1 et 2, éditions Maisonneuve & Larose, 2002.

(C) Le Japon avec Andréa, tous droits réservés.

Une question d’honneur, le Chūshingura ou la légende des 47 rônins (5/5): 47 occasions de montrer son talent d’artiste.

Pour terminer cette série d’article, j’ai choisi deux rônins dont je propose de découvrir les variations de représentation à travers différentes séries d’estampes.

  1. Horibe Yahei Kanamaru (織部矢兵衛金丸)

Il s’agit d’un des personnages les plus âgés de la bande, il a 71 ans. On le reconnait facilement grâce à ses cheveux blanc et à son faciès souvent marqué par des rides profondes. Ici on retrouve l’aspect iconographique fort associé à chaque personnage. Le but étant bien sûr que le public puisse identifier chaque personnage le plus facilement possible.

Ce personnage apparaît notamment dans un passage où il est question de poésie. Les 47 rônins se sont divisés en trois groupes pour ne pas éveiller l’attention et passent la soirée dans trois différentes auberges afin de dissiper tout soupçon sur une éventuelle attaque du palais de Kira. Un des trois groupe prétend organiser une rencontre de haikai (ancêtre du haiku) et pour sauvegarder les apparences, ils composent des poèmes. Voici un extrait de ce passage:

” Dans la sombre nuit,

Tous les oiseaux se taisent.

Ce triste silence finira… Quand?

Au chant de gloire du rossignol.”

.

A côté de moi se trouvait assis Horibe Kanamaru de qui, un mois plus tôt, j’avais fêté la soixante-dixième année. Fils cadet d’un daimyô du Nord, il avait l’extraordinaire vitalité de sa race. C’est à peine, malgré son grand âge, si ses cheveux grisonnaient. Sa force et son agilité semblaient ne jamais devoir diminuer.

Cependant les races du Nord ne sont pas lettrées. Aussi ne fus-je pas étonné de voir Horibe se pencher vers son voisin et de l’entendre demander d’une voix mécontente:

“Que trouvez-vous d’admirable dans ces poèmes? Je ne songe qu’à notre voyage et ne comprends rien.”

Son voisin ne sourit pas : l’ignorance qui désire une explication est respectable. Il est aussi lâche d’abuser de sa science que d’abuser de sa force. Il répondit donc:

“Les sapins vigoureux penchés sous la neige glacée, c’est notre clan ployé sous son infortune. Le soleil qui fondra demain la neige…

– C’est notre victoire, interrompit le vieux guerrier. J’ai compris. L’image est admirable, en effet. Et nous sommes sans doute les oiseaux dans la sombre nuit…

– Je verrais plutôt là une image du peuple qui, dans la nuit noire de l’injustice, attend que s’élève le chant des vengeurs.”

Horibe hocha la tête:

” Les mots et les phrases sont trop subtils. Je comprends seulement les poèmes que l’on trace de son sabre dans la chair de son ennemi. […]”

Extrait tiré de “Les 47 rônins, Le trésors des loyaux samouraïs, SOULIE DE MORANT George, Budo éditions, 2006, p.142.

Voici cinq images, dont quatre du même artiste, pour illustrer la variété et l’originalité de chaque composition. Ces séries sont souvent commandées par des groupes de riches amateurs souhaitant commémorer l’événement ou offrir ces estampes luxueuses en cadeau. Outre les portraits, on peut trouver des extraits de texte, des motifs se référant à l’histoire, des cartouches indiquant le titre de l’œuvre et/ou la scène représentée, des éléments décoratifs.

Quelques points communs à ces cinq œuvres:

  1. Le costume en dents de scie noir et blanc est typique de l’iconographie des 47 rônins. Tu peux ainsi toujours les identifier, même si tu ne connais pas la scène ou que tu ne sais pas lire.
  2. Horibe est un des rares rônins à être représenté les cheveux blancs et la peau très ridée. Chaque rônin a sa particularité qui va permettre son identification rapide (si on connait l’histoire et toutes ses variantes et reprises populaires bien sûr).
  3. Malgré ses rides et son apparente vieillesse, le visage de Horibe est toujours très expressif et renvoie à son caractère valeureux de guerrier intrépide. Son rang et sa valeur se reflètent dans tous les aspects de son être
  4. La variété des scènes: portait statique, portrait rapproché en action, scène au thème et à la composition dramatiques. Autant de variation qui permettent à l’œuvre de s’adapter au goût d’un public évoluant très vite et toujours en quête de sensations fortes.


Utagawa Kuniyoshi, Histoires des vrais loyaux samourai (Seichû gishi den, 誠忠義士傳), Oribe Yahei Kanamaru (織部矢兵衛金丸), 1847-1848.

Ici Horibe est représenté édenté et courbé, ce qui tranche avec les autres portraits de cette série représentant plutôt de vifs guerrier dans le feu de l’action.

Utagawa Kuniyoshi, Oribe Yahei Kanamaru (織部矢兵衛金丸), dans la série “Portraits des fidèles Samurai de la Vraie Loyauté“, (Seichû gishi shôzô, 誠忠義士省像), 1853.

Dans cette œuvre, la position peu naturelle d’Horibe est expliquée par le fait qu’il est en train d’esquiver un coup de lance lancé par un adversaire hors champ. Malgré le détail de son visage ridé, l’accent est mis sur la souplesse de ses mouvement qui laisse deviner quel redoutable guerrier il est encore.

Utagawa Kuniyoshi, Oribe Yahei Kanamaru (織部矢兵衛金丸), dans la série “Vrais Portraits des fidèles Samurai“, (Gishi shinzô, 義士真像), 1853.

Dans une position plus classique des portraits d’hommes célèbres (on retrouve cette pose notamment dans les représentation des Cent poètes, célèbres depuis l’époque Heian (794-1185)). La différence réside dans le détail des traits physiques et dans l’expressivité du visage. Les mots qui me viennent à l’esprit sont digne, déterminé et redoutable. On est loin des portrait codifiés où aucun traits de personnalité ne vient animer le visage.

Utagawa Kuniyoshi, Oribe Yahei Kanamaru (織部矢兵衛金丸) dans la série “Miroir de la vraie loyauté des fidèles serviteurs, portraits individuels”, (Seichû gishin meimei kagami, 誠忠義臣名々鏡), 1857.

Cette série est particulièrement intéressante car elle propose des jeux de composition très poussés. Tout d’abord la disposition générale des élément:

  • sur la partie supérieur droite, on trouve le cartouche en forme de tsuba (garde décorée d’un sabre) avec le nom de la série.
  • sur la partie supérieur gauche, on trouve un texte ou un poème donnant le contexte de l’image principale.
  • dans la partie inférieure est représentée l’issue spectaculaire d’un combat au sabre opposant Horibe et son ennemi. D’un coup de sabre, la tête de l’ennemi vole jusqu’à sortir du cadre, accompagné d’un jet de sang.
Ogata Gekko, Horibe Yahei Kanamaru dans la série Chûshingura,, 1895-1903.

De composition plus épuré, le style de Ogata Gekko est très différent de celui de Kuniyoshi. La force de l’image est véhiculée par le détail des chaque personnages au premier plan alors que le paysage se fond dans une brume opaque laissant à l’œil tout le loisir de s’attarder sur la qualité des étoffes, la justesse des plis et la force des traits. Les coloris tout en douceur viennent donner à l’œuvre cette atmosphère particulière, tranchant avec la tradition de l’art ukiyoe.

2. Sakagaki Genzo Masakata (板垣伝蔵正賢)

Ce rônin est réputé pour être un buveur invétéré peu digne d’être un samouraï. Il s’agit bien sûr d’une ruse pour mieux tromper l’ennemi et passer pour inoffensif alors qu’en réalité c’est un guerrier et un espion redoutable. Il sait tromper le monde et est prêt à affronter le mépris de tous pour sa cause. Voici un extrait :

“Il est peu d’hommes qui n’aient aucun penchant destructeur. Pour les uns, c’est la passion du jeu; pour d’autres, la luxure, le goût du vin ou bien la colère. Les malheureux affligés d’un de ces défauts se laissent généralement ruiner par lui. Bien rares sont les habiles qui savent maîtriser leur vice, ou même l’utiliser pour servir leur cause. Il convient donc de citer ici spécialement celui qui est maintenant et pour jamais l’une des gloires de notre divine nation, l’illustre Akaigaki Masakata […].

Chacun riait donc d’Akaigaki et pensait que le daimyô le gardait par charité. Et lui, dans son dévouement profond, acceptait le mépris dont sa réputation était entachée. Il se soumettait sans un mot aux outrages et aux railleries.

Nul ne savait la vérité. […]

[…] un jour, au retour d’une expédition victorieuse, il jugea que services ne seraient pas requis jusqu’au prochain lever du soleil. Il convia donc quelques amis et se livra sans la moindre retenue à son goût favori [la boisson], si bien que ses convives le quittèrent sans qu’il pût faire un mouvement, alors qu’il aurait dû les accompagner jusqu’au seuil.

A ce moment, un écuyer vint l’inviter à se rendre à l’instant même avec ses armes devant le Premier Conseiller, afin de recevoir des instructions pour une mission immédiate. Akaigaki, fouetté par le sentiment du devoir, fit un effort désespéré et se releva. Il ajusta tant bien que mal son casque et son armure et, titubant, les yeux vagues, se présenta devant son chef. Celui-ci feignit de ne pas remarquer cet état singulier, et lui donna ses ordres. Il s’agissait de monter à cheval sur le champ et d’aller s’assurer des intentions d’un groupe armé dont la présence avait été signalée au delà des collines.

Or un buveur troublé fait rire. Qui songerait à se méfier d’un homme qui ne peut marcher droit, et dont la bouche pâteuse donne à chaque mot, prononcé avec difficulté, u ne prononciation inattendue? Chacun se juge invisible par-delà les fumées de son ivresse. L’on rit, l’on parle devant lui sans songer à se garder.

Il en fut ainsi ce jour-là, Akaigaki, cependant, par un effort héroïque de volonté, maintenait son attention et sa mémoire en éveil. Il regardait, il écoutait. A son retour, il sut répéter exactement chaque mot et chaque geste de ceux qu’il avait visités.”

Extrait tiré de “Les 47 rônins, Le trésors des loyaux samouraïs, SOULIE DE MORANT George, Budo éditions, 2006, p.123-124.

Note : les noms selon les versions écrites ou illustrées peuvent varier. Ici dans les estampe ce personnage s’appelle “Sagagaki” alors que dans la source littérature que j’ai utilisée, il est appelé “Akaigaki”. Il s’agit donc bien du même personnage (sauf erreur de ma part).

Comme pour la figure de Horibe, Akaigaki a aussi un signe distinctif: il est souvent représenté avec une bouteille de saké à la main ou à proximité. C’est l’élément qui permet de l’identifier du premier coup d’œil.

A travers les trois œuvres suivantes, je te propose de découvrir trois ambiances, mais aussi de revenir sur les trois œuvres représentant Horibe de ces trois mêmes série, tu les identifieras sans problème, et de comparer les jeux de composition, les atmosphères et les effets que tu ressens d’une image à l’autre.

Utagawa Kuniyoshi, Sakagaki Genzo Masakata (板垣伝蔵正賢), dans la série “Histoires des vrais loyaux samourai” (Seichû gishi den, 誠忠義士傳), 1847-1848.
Utagawa Kuniyoshi, Sakagaki Genzo Masakata (板垣伝蔵正賢) dans la série “Miroir de la vraie loyauté des fidèles serviteurs, portraits individuels”, (Seichû gishin meimei kagami, 誠忠義臣名々鏡), , 1857.
Ogata Gekko, Sakagaki Genzo Masakata, dans la série Chûshingura,, 1895-1903

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  • Pour lire l’histoire des 47 rônins dans son intégralité: “Les 47 rônins, Le trésors des loyaux samouraïs, SOULIE DE MORANT George, Budo éditions, 2006.
  • Pour découvrir les différentes séries d’estampes sur le thème du Chûshingura :

par Utagawa Kuniyoshi (1798-1861)

par Utagawa Hiroshige (1797-1858)

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(c) Le Japon avec Andrea

Une question d’honneur, le Chūshingura ou la légende des 47 rônins (4/5) : un thème incontournable de l’estampe ukiyoe.

Les légendes et faits historiques: une sources d’inspiration pour les artistes

Maintenant que nous sommes familiers avec le récit palpitant des 47 rônin (où la loyauté, la vengeance, et l’honneur s’entremêlent dans une saga digne d’un blockbuster samouraï) j’ai envie que l’on se penche un peu sur la manière dont les artistes s’en sont emparé. Ressentir l’énergie de cette époque et de ces histoires épiques à travers les yeux des artistes ukiyoe (litt. image du monde flottant) est un voyage qui vaut le détour !

Depuis l’époque Edo et le développement de l’impression d’estampe à grande échelle, la demande d’images est constante. Les artistes se tournent vers les thèmes populaires: récits de champs de batailles des ères précédentes comme le “Dit de Hôgen”, les textes de cour comme le “Dit du Genji” et autres histoires qui, encore récemment, n’étaient partagées que de manière orale par les moines errants. Avec le développement des techniques d’impression, la normalisation de l’éducation et une soif grandissante d’aventures, les genres littéraire explosent et la part belle revient aux yomihon, ces “livres à lire” où le texte prime sur les images. Très vite, le talent d’artistes comme Hokusai, associé à la force des scènes épiques, va venir donner des frissons aux lecteurs les plus téméraires.

La nouveauté avec le Chûshingura? Les faits historiques ne sont pas si lointains.

Les événements relatés ont eut lieu en 1702 seulement ! La réalité des faits, les thèmes abordés sont donc très vifs dans l’esprit du public. Loin des récits de batailles datant du 12e ou du 13e siècle, ici il s’agit d’un thème moderne, remettant au goût du jour les valeurs du bushidô de manière concrète, palpable voire palpitante!

Le détails des scènes et les descriptions de chaque rônin permettent également aux artistes de déployer leur talent et leur style dans des compositions originales.

Les 47 rônin ne sont pas seulement des personnages historiques, ils sont des êtres vivants, animés de passion et de force. Chaque rônin est représenté avec une personnalité distincte, souvent munis de leurs attributs respectifs. Les visages gravés sur le papier semblent refléter les joies et les peines, les triomphes et les défis de leur quête de justice.

Les artistes ukiyoe ne se contentaient pas de capturer les actions des rônin, mais ils ont également figé les émotions qui animaient leurs âmes. Les nuances subtiles dans les expressions, les regards déterminés, les postures majestueuses – chaque détail contribue à créer une connexion émotionnelle tangible entre le spectateur et ces guerriers légendaires.

Prépare-toi à ressentir le souffle du vent dans les feuilles de pin de Sengaku-ji et à entendre les échos des katanas clairsemant l’air dans cette aventure visuelle unique offerte par l’ukiyoe. Bienvenue dans le monde flottant des 47 rônin !

Entre choix esthétiques et iconographiques

Le Chûshingura a été illustré par de nombreux artistes ukiyo-e, mais ici j’ai choisi de me focaliser sur les œuvres de Ando Hiroshige (1797-1858), Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), et Ogata Gekko (1859-1920).

Les scènes de bataille sont impressionnantes et l’occasion pour nous de creuser le thème de la représentation des éléments dans l’espace.

Si chez Hiroshige par exemple, les katanas, brillant à la lueur des lanternes, dépeignent l’intensité des combats nocturnes menés par les 47 rônin. Kuniyoshi utilise quant à lui des contrastes plus audacieux entre l’obscurité des ruelles d’Edo et la lumière des lames pour souligner l’héroïsme de ces guerriers déterminés.

L’estampe n’est pas simplement une image figée, mais une séquence narrative. On peut presque sentir le vent sifflant à travers les pinèdes du Sengaku-ji, le lieu de repos final des 47 rônin. L’ukiyoe transmet l’histoire de manière vivante, un véritable kaléidoscope d’émotions et de moments figés dans le temps.

Ce qui est caractéristique, c’est que chaque artiste a su apporter son style unique et sa vision à cette saga légendaire. Chaque série est pensée et exécutée dans le but assumé de surprendre le spectateur et d’aller toujours plus loin dans le représentation des émotions.

  • Un début d’architecture à l’occidentale

Les scène d’invasion de palais était l’occasion rêvée de se frotter à la perspective occidentale. Au Japon, avant l’arrivée des œuvres occidentales la perspective dite “au point de fuite” n’existait pas. Les artistes utilisaient une perspective intuitive et des codes de représentation iconographique pour représenter les distances et autres éléments dans l’espace.

Pour exemple, une estampe de Hiroshige comparée à une de Kuniyoshi représentant l’attaque du palais de Kira (les deux images sont contemporaines l’une de l’autre).

Ando Hiroshige, Chûshingura, Acte XI, L’attaque de nuit, Partie 2 (夜討二 乱入), 1835-1839.
Utagawa Kuniyoshi, Chûshingura, Acte XI, L’attaque de nuit, estampe, vers 1835.

Si d’un côté Hiroshige garde une approche plus traditionnelle quant à la représentation de l’espace et de l’architecture, Kuniyoshi a choisi une approche plus audacieuse en intégrant des éléments de perspective occidentale dans sa composition. Il s’est également essayé à la représentation “nocturne” en jouant sur une palette variée de gris.

On identifie parfaitement les rônins grâce à leur habit spécifique en dents de scie. Le noir et le blanc se fondent parfaitement dans le paysage de neige tout en ajoutant un effet visuel très fort.

  • Hiroshige, gardien des traditions

Ando Hiroshige était réputé pour sa capacité à capturer l’atmosphère et l’humeur d’une scène. Dans cette estampe illustrant l’attaque nocturne des 47 rônin, Hiroshige a pris le parti de mettre en valeur la beauté tragique de l’événement. On sent l’effervescence de l’attaque, la violence et la détermination des rônins jusque dans leurs gestes, leurs postures ou encore dans l’expression de leurs visages. Contrairement à l’œuvre de Kuniyoshi où les figures humaines sont disposées de manière presque chirurgicale, chez Hiroshige la masse presque indiscernable de ces guerriers aux habits si caractéristiques vient renforcer cette impression de violence et de résolution. On assiste bien au dénouement de l’histoire.

Ainsi, bien que Hiroshige ne soit pas aussi connu pour expérimenter avec les perspectives occidentales que Kuniyoshi, son génie artistique réside dans sa capacité à créer une composition évocatrice, suscitant une profonde réflexion sur les aspects émotionnels des protagonistes.

  • Le point de vue de Kuniyoshi

Utagawa Kuniyoshi, connu pour son style ukiyoe tranché, a également été intrigué par les innovations artistiques occidentales, en particulier les techniques liées à la représentation de la perspective. Dans son acte XI de la série “Chûshingura”, dépeignant l’attaque de nuit des 47 rônin, Kuniyoshi fusionne plus ou moins habilement les éléments traditionnels de l’ukiyoe avec des perspectives occidentales plus modernes.

Dans cette œuvre, la profondeur est capturée de manière saisissante bien que la perspective soit peu naturelle. Si les règles de construction de la perspective à l’occidentale sont respectées à la lettre, on sent encore une certaine maladresse dans la gestion des proportions entre bâtiment, personnages et paysage en fond.

Ce qu’il faut retenir, c’est que cette utilisation de la perspective occidentale ici ajoute une dimension nouvelle à l’histoire des 47 rônin. Elle donne vie à la scène d’une manière qui transcende les conventions artistiques de l’époque, témoignant de la capacité de Kuniyoshi à embrasser et à expérimenter avec différentes influences pour raconter une histoire vieille de siècles d’une manière nouvelle et captivante. C’est ainsi que l’ukiyoe, tout en préservant sa tradition, a su absorber et réinterpréter des éléments artistiques du monde occidental, contribuant à la richesse et à la diversité de cet art visuel japonais emblématique.

Ogata Gekko, Chûshingura : Muramatsu Kihei Hidenao, estampe, entre 1895 et 1903
  • Ogata Gekko, vers la modernité

Explorons plus en détail l’approche artistique d’Ogata Gekko à travers cette œuvre spécifique “Chûshingura : Muramatsu Kihei Hidenao” (image ci-dessus).

Cette estampe, réalisée entre 1895 et 1903, témoigne du talent de Gekko à fusionner la tradition de l’art ukiyoe avec des éléments modernes, tout en capturant l’essence dramatique de la légende des 47 rônin.

A une époque où le Japon traverse une période de modernisation extrême, Gekko a su rester fidèle au genre ukiyoe tout en profitant des nouvelles influences et des innovations occidentales. On le voit très bien ici dans le traitement de la couleurs mais aussi du dessin au trait fin et précis.

La composition de cette estampe est dynamique, mettant en avant Muramatsu Kihei Hidenao de manière imposante au centre de l’image. Les détails minutieux dans son visage expriment la détermination du guerrier, tandis que la position stratégique de son sabre suggère son rôle central dans la scène représentée. Gekko utilise des couleurs subtiles et des contrastes marqués pour attirer l’attention du spectateur et créer une atmosphère intense, tout en préservant cette impression feutrée de scène nocturne.

Ici on remarquera encore la parfaite maîtrise de la perspective et des proportions entre les différents éléments qui composent l’image. Les détails minutieux de l’architecture traditionnelle comme saupoudrée de neige et ceux du pin au premier plan qui vient équilibrer la composition prouvent que Gekko a su marier avec brio l’art ukiyoe et les influences occidentales.

En conclusion

Les œuvres de Ando Hiroshige, Utagawa Kuniyoshi, et Ogata Gekko, chacun maître dans son propre style d’ukiyoe, offrent des perspectives uniques sur la légende emblématique des 47 rônin.

Hiroshige a interprété l’attaque de nuit avec élégance et détermination, privilégiant une représentation emplie de violence, capturant l’atmosphère définitive du dénouement final.

Kuniyoshi, en revanche, a joué sur des contrastes acides conférant à ses scènes nocturnes leur énergie dramatique. Ses perspectives audacieuses et son expressivité marquée a su faire justice aux rônin et à leur quête de vengeance.

Quant à Gekko, il a su fusionner la tradition avec des éléments modernes, adoptant des techniques novatrices pour créer une estampe qui, tout en célébrant l’héritage de l’ukiyoe, témoigne également de la période de transition du Japon vers la modernité.

Ainsi, à travers ces trois maîtres, nous découvrons une diversité remarquable dans la manière dont l’ukiyoe peut interpréter et transmettre une histoire commune. Le style atmosphérique de Hiroshige, l’intensité dramatique de Kuniyoshi et l’innovation de Gekko illustrent la richesse de l’art ukiyoe et sa capacité à évoluer tout en préservant l’essence de la culture japonaise. Chacun de ces artistes a laissé une empreinte distinctive dans l’histoire visuelle des 47 rônin, offrant aux spectateurs une variété d’expériences artistiques à travers leurs chefs-d’œuvre intemporels.

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Dans le prochain et dernier articles consacré au Chûshigura, je te propose l’analyse de deux œuvres afin de clore en force ce voyage au cœur de la légende la plus populaire du Japon.

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Une question d’honneur, le Chūshingura ou la légende des 47 rônins (3/5) : le Sengakuji, témoin et garant de mémoire.

Toyokuni Utagawa III, Chōjūrō Sawamura V dans le rôle de Ōboshi Yuranosuke, tiré de Kanadehon Chūshingura (仮名手本忠臣蔵) “Le Trésor des vassaux fidèles” (pièce de théâtre de marionnettes), 1849.

Le temple Sengakuji est situé à Tokyo, près de la gare de Shinagawa, où Asano Naganori est enterré aux côtés de ses fidèles serviteurs qui sont morts en accomplissant leur mission de vengeance. Ce lieu attire de nombreux visiteurs qui viennent lui rendre hommage ou simplement en apprendre plus sur cette partie fascinante de l’histoire japonaise.

Aujourd’hui, il y a encore des gens qui font des reconstitutions de ce célèbre événement au temple Sengakuji chaque année le 14 décembre – l’anniversaire de la mort d’Asano Naganori – pour garder vivante la mémoire de ces braves guerriers samouraïs qui ont tant sacrifié pour la loyauté, l’honneur et la vengeance.

Cet événement attirant un public nombreux, il faut essayer de venir tôt pour honorer les stèles en allumant humblement des bâtons d’encens et en envoyant des prières pour le repos de ces âmes guerrières.

Si tu veux aller visiter le Sengakuji

Ce que tu vas y trouver

En visitant ce temple, tu découvriras des stèles commémoratives dédiées aux 47 loyaux sujets ainsi qu’un petit musée regroupant différents artéfacts liés à leur histoire.

L’adresse

〒108-0074 2-11-1 Takanawa, Minato-ku, Tokyo

Les horaires

Ouvert de 7h-18h de mars-septembre et jusqu’à 17h d’octobre à février.

Le musée de 9h-16h30 de mars-septembre et jusqu’à 16h d’octobre à février.

Les tarifs

La visite du temple est gratuite, mais l’entrée du musée est de 500 yen.

Pour plus de détail

Le site internet du Sengakuji (japonais et anglais) : http://www.sengakuji.or.jp/

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Dans le prochain article (publié le 18 décembre), tu découvrira la riche postérité de la légende des 47 rônins dans l’art ukiyo-e.

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Une question d’honneur, le Chūshingura ou la légende des 47 rônins (2/5): intrigue et faits historiques.

Des faits historiques à la légende

Avant de résumer l’intrigue, si tu souhaites lire les aventures des 47 rônins dans leur intégralité je te conseille le livre “Les 47 rônins, le trésor des loyaux samouraïs” de George Soulié de Morant chez Budô Editions (2006).

Tout commence lors d’un incident pendant les préparatifs en vue d’une cérémonie pour un envoyé impérial. A cette occasion, le chef des rites Kira Kôsuke no Suke, un lâche arrivé à son statut grâce à l’argent et non pour ses qualités, insulte le jeune daimyô (seigneur guerrier) Asano Takumi no Kami en insinuant qu’il est incapable d’effectuer les rites nécessaires (alors que c’est faux).

Asano provoque donc Kira en duel et dégaine son sabre.

Kira s’enfuit, tel le lâche qu’il est, et Asano qui le poursuit le blesse.

Sous le régime des Tokugawa, les shogun en place à l’époque Edo, il est formellement interdit de dégainer son sabre dans le palais. La punition infligée aux contrevenants est la mise à mort par éventrement traditionnel, le seppuku.

Asano, bien que jeune et intrépide, se soumet à l’ordre. A sa mort, ses fidèles samouraïs se retrouvent sans maître : ils deviennent des rônin (浪人) ou “homme sur les vagues”.1

浪 ろう (rou) = la vague

人 にん (nin) = la personne

Les rônins sont donc des samouraïs sans attache, dérivant sans but, des vagabonds, l’ombre d’un samouraï. N’ayant ainsi plus rien à perdre, ces 47 rônins sans raison d’être (protéger leur seigneur) n’ont plus qu’une obsession : venger la mort injuste de leur maître.

C’est une expédition difficile. Ça va leur prendre une année entière car ils doivent d’abord simuler l’indifférence face à la mort de leur chef, trouver un plan, mettre toutes les chances de leur côté, tout en endurant les moqueries de tous.

C’est surtout l’occasion de présenter et de venter les prouesses de chacun de ces guerriers aux talents spécifiques grâce à une succession d’épisodes plus ou moins rocambolesques. Nous y reviendrons dans l’article consacré à la représentation de ces rônins.

Ogata Gekko, Chûshingura : Muramatsu Kihei Hidenao, estampe, entre 1895 et 1903

Ils finiront donc par prendre d’assaut le pavillon de Kira par une froide nuit de décembre. Par souci de justice, les rônins offrent à Kira la possibilité de s’éventrer comme un brave, mais celui-ci est lâche jusqu’au bout et se dérobe, forçant les rônins à l’exécuter.

Le shogun n’intervient pas directement, car d’autres daimyô interviennent en leur faveur : ils ont réparé une injustice et ont même laissé à Kira une porte de sortie honorable qu’il a été incapable de saisir.

Les rônins seront tout de même condamnés au seppuku pour avoir porté la main sur un représentant du pouvoir (l’avoir tué et avoir incendié son palais).

Le seppuku est une mort honorable pour un samouraïs. La mort la plus honorable bien sur est celle rencontrée sur le champ de bataille, protégeant son clan et son seigneur, mais à défaut, la mort par rituel seppuku reste un privilège.

Les 47 rônins se rendent donc au temple Sengakuji2, là où repose leur maître. Il lui présente la tête de l’ennemi vaincu puis, après avoir reçu l’ordre de condamnation officielle, s’éventrent.

46 seulement s’éventre, car un des rônins a été désigné pour leur survivre et effectuer les rites funéraires appropriés et raconter leur histoire.

“Ils sont morts, mais leur mémoire ne périra jamais, car tous les cœurs, même les plus vils, ont admiration et respect pour les nobles sentiments qui, seuls, élèvent l’homme au-dessus de la bête.”3

Dans le prochain article, tu découvrira comment cette légende reste vivace et honorée notamment via le temple Sengakuji.

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Notes

  1. SOULIE DE MORANT George, Les 47 rônins, le trésor des loyaux samouraïs, Budo éditions, 2006, p. 26.
  2. Le Sengaku-ji se trouve à Tokyo : 〒108-0074 2-11-1 Takanawa, Minato-ku, Tokyo. Site web officiel (en).
  3. SOULIE DE MORANT George, Les 47 rônins, le trésor des loyaux samouraïs, Budo éditions, 2006, p. 171.

Couverture: Utagawa Hiroshige, Chūshingura (忠臣蔵), Acte XI , épisode 5, Le repli sur le pont Ryōgoku, (Youchi yon, Ryōgoku hikitori), estampe ukiyoe, 1836.

Une question d’honneur, le Chūshingura ou la légende des 47 rônins (1/5): un idéal guerrier.

Est-ce que tu as une âme guerrière ?

Si à Genève on fête l’Escalade1 le 12 décembre, les Tokyoïtes, eux, célèbrent la loyauté de ses fameux 47 rônins le 14 décembre.2

Le Chūshingura (忠臣蔵) ou la légende des 47 rônins est l’un des épisodes historiques favoris des Japonais. Elle a été reprise et adaptée d’innombrables fois au fil des ans, des pièces traditionnelles japonaises de kabuki aux films hollywoodiens, car même en Occident, cette légende est célèbre.

Aux sources de la légende: le bushidô

Pourquoi est-ce que cette histoire de guerriers déchus marque autant les esprits?

Tout simplement parce que cette histoire, devenue légende, met en avant les valeurs guerrières japonaises dans leur absolue essence et ainsi fait écho à un certain idéal martial.

Le bushidô (武士道, litt. “la voie des guerriers”) est un ensemble de codes de conduite, de principes moraux et de valeurs transmis de génération en génération de manière orale.3 Les principes du bushidô trouvent leurs racines dans les différents courants de pensée qui ont marqué le Japon au fil des siècles: bouddhisme, shintoïsme et confucianisme.

Si le premier enseigne “la soumission tranquille à l’inévitable”, une attitude stoïque face au danger et un certain dédain de la vie4 , le second prône la loyauté envers le souverain, la piété filiale et un certain patriotisme créant ce lien inébranlable entre la nation, les ancêtres et l’empereur5, unifiant tous les hommes à un même idéal. Le confucianisme quant à lui fournit au bushidô ses principes éthiques régissant les rapports entre les guerriers et le reste du monde.6

Si le caractère rude du guerrier et l’importance associée à son rang et son honneur pourraient le rendre susceptible et arrogant, les concepts puisés dans les différents courants de pensée évoqués plus haut permettent de pondérer le caractère du guerrier qui cherchera toujours l’harmonie dans ses actions et dans ses attitudes.7

Les principales qualités recherchées chez un guerrier sont :

  • la justice
  • la loyauté
  • le courage
  • la maîtrise de soi
  • la compassion
  • la piété filiale
  • la politesse
  • la sincérité
  • l’honneur

Plus concrètement, la classe sociale des bushi (武士) s’est définie en fonction du contexte historico social du 12e siècle jusqu’à 1603, début de l’ère Edo, période durant laquelle le pays est déchiré par des guerres civiles successives.

La guerre est le processus naturel de sélection chez les guerriers: les plus forts, les plus valeurs, les plus combattants vivent et ainsi deviennent dignes des honneurs, des privilèges et des hautes responsabilités. A noter que jusqu’au 12e siècle ces privilèges et hautes responsabilités étaient réservés aux hommes de cour. En effet, la première institution féodale est créée au 12e siècle avec l’instauration du premier shogun, Minamoto no Yoritomo. Le shogun est le général détenteur du pouvoir effectif (militaire) par opposition à l’empereur qui conserve le pouvoir religieux.

C’est dans ce contexte que le bushidô comme énonciation des règles de conduite et d’un code moral commun a joué un rôle fondamental.

Il est peut-être intéressant de rappeler que l’idéal absolu du bushi est la paix. Il ne dégainera son sabre qu’en dernier recours, que s’il a épuisé toutes ses ressources de diplomatie, de courtoisie et de bienséance.8

Revenons à nos rônins

Dans le cas du Chûshingura, même s’il s’agit au départ de faits historiques avérés, la légende à très tôt pris le dessus en personnifiant ces valeurs, celles du bushidô, à travers chaque personnage. Idéalisés ou caricaturés, les protagonistes donnent à vivre un idéal guerrier qui résonne dans le cœur des Japonais (et des amoureux du Japon).

Dans cette série d’articles consacrés au Chûshingura, je t’invite à découvrir avec moi les trames de cet événement tragique, mais aussi la richesse iconographique liée à la légende des 47 rônins et ce qu’il reste aujourd’hui, notamment grâce au temple Sengakuji (泉岳寺) à Tokyo. C’est parti!

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Notes

  1. L’Escalade fait référence à l’assaut infructueux du Duc de Savoie Charles-Emanuel 1er (catholique) contre la république protestante de Genève la nuit du 11 au 12 décembre 1602.
  2. Si la date retenue officiellement pour les célébrations est celle du 14e jour du 12e mois de l’an 15 de Gennroku (14 décembre 1702), à l’origine, selon le calendrier lunaire, le dénouement final a eu lieu le 30 janvier 1703. (SOULIE DE MORANT George, Les 47 rônins, le trésor des loyaux samouraïs, Budo éditions, 2006, avis au lecteur.)
  3. NITOBE Inazô, Le bushidô, L’âme du Japon, Budo éditions, p.18.
  4. Ibid, p.23.
  5. Ibid, p.24-25.
  6. Ibid, p.26.
  7. Ibid, p.24.
  8. YAMAMOTO Tsunetomo, Hagakure, Ecrits sur la Voie du samouraï, traduit par NICKELS-GROLIER Josette, Budo éditions, 2005, p.116.

Couverture: Utagawa Hiroshige, Chūshingura (忠臣蔵), Acte XI , épisode 2, Entrée par effraction dans le palais de Kira (Youchi ni, rannyū), estampe ukiyoe, 1836.

Les oies sauvages dans l’art japonais

Un de mes souvenirs les plus forts de mon premier voyage au Japon fut l’apparition de ces oiseaux et leur V reconnaissable, dans le ciel de Kyoto en octobre 2009. Pourquoi les oies sauvages? Parce que durant mes études en art japonais, j’ai eu l’occasion de la croiser souvent cette figure de l’oie sauvage. Elle est très présente, notamment dans la série “Les huit vues de Ômi” (Ōmi hakkei, 近江八景) de Ando Hiroshige.

Il en a réalisées plusieurs, toutes les plus audacieuses les unes que les autres d’un point de vue graphique et de composition. Tout comme les célèbres séries d’estampes “Les cinquante-trois stations du Tôkaidô” du même artiste ou “Les trente-six vues du mont Fuji” de Hokusai, ces images avaient pour but de faire voyager le lecteur ou de le renseigner en cas de déplacement sur les choses à ne pas manquer durant son trajet.

Ainsi les huit vues d’Òmi montrent toujours les huit mêmes vues :

  1. Temps clair à Awazu (Awazu seiran, 粟津晴嵐)
  2. Lune d’automne au temple Ishiyama (Ishiyama shūgetsu, 石山秋月)
  3. Les oies descendant à Katada (Katada rakugan, 堅田落雁)
  4. Nuit pluvieuse à Karasaki (Karasaki yau, 唐崎夜雨)
  5. Soleil du matin à Seta (Seta sekishō, 勢田夕照)
  6. Neige au crépuscule sur le Mont Hira (Hira bosetsu, 比良暮雪)
  7. Evening Bell at Miidera Temple (Mii banshō, 三井晩鐘)
  8. Retour au port à Yabase (Yabase kihan, 八橋帰帆)

Le talent et la virtuosité de l’artiste feront le reste.

La force des artistes japonais réside souvent dans leur capacité à reproduire dix fois le même thème avec toujours un point de vue différent, une prouesse graphique ou une audace spatiale qui rend chaque œuvre unique et digne d’intérêt.

La vue qui nous intéresse est évidemment la 3e, “Les oies descendant à Katada”. Katada est une petite ville côtière sur le lac Biwa (le plus grand lac du Japon, au nord de Kyoto) où les oies sauvages ont l’habitude de faire escale en automne.

Voici deux exemples d’œuvres sur ce thème réalisées la même année par Hiroshige :

Ando Hiroshige, Les huit vues d’Òmi, Oies descendant sur Katada, format yotsugiri (19.5 x 13.25 cm), ~1834-35.
Ando Hiroshige, Les huit vues d’Ômi, Oies descendant sur Katada, format ôban horizontal (39 x 26.5 cm), 1834-35 (Tenpō 5-6).

La différence de qualité s’explique par le type de commande. Si la première œuvre semble moins soignée, c’est qu’elle fait le quart de la taille de celle du dessous et que probablement les moyens de production étaient eux aussi réduits. La première œuvre était probablement un équivalent à la carte postale d’aujourd’hui, une image souvenir qu’on pouvait se procurer à moindre coûts dans les foires, chez les marchands de livres ou sur les lieux de passage. Tandis que la deuxième, plus luxueuse, entre dans la catégorie des nishiki-e (“image de brocard”, 錦絵), c’est à dire des estampes soignées coûteuses, commandées par de riches amateurs.

La règle d’or de ces séries d’estampes étaient de divertir, voire de surprendre. L’idée était que les amateur, selon leurs moyens, se procureraient la série entière si les œuvres sont assez originales. Encore plus lorsqu’il s’agit de commandes privées par de riches marchands. Ils espèrent épater la galerie et surprendre leurs amis lors de réunion entre amateurs éclairés. L’audace et l’originalité sont donc au cœur de la production de ces images.

Ando Hiroshige, Les huit vues d’Ômi, La baie de Katada (Katada no ura, 堅田の浦), format aiban horizontal (35 x 23.5 cm), 1852.

Des artistes comme Hiroshige ou Hokusai ont su prendre parti de cette situation et il nous pouvons encore aujourd’hui sentir vibrer les lignes et les couleurs de chaque composition.

(C) Le Japon avec Andrea

La figure du chat au Japon à travers une œuvre de Hiroshige

Petit aperçu avant la conférence du 08 octobre prochain dans le cadre de l’Automne de Culture Japonaise 2023 (infos et inscription ici).

Le chat, toute une histoire

Au Japon comme ailleurs, la figure du chat est ambivalente, tantôt porte-bonheur, tantôt démon abominable. En un mot, le chat fascine.

Aujourd’hui je te propose l’analyse d’une estampe d’Andô Hiroshige tirée de sa célèbre série “Cent vues célèbres d’Edo” où le chat vient attirer notre attention.

Andô Hiroshige, Champs de riz à Asakusa et le festival Torinomachi (Asakusa tanbu Torinomachi mōde), in «Cent célèbres vues d’Edo» (Meisho Edo Hyakkei), planche n° 101, Hiver, entre 1857 et 1858, Brooklyn Museum.

Alors que les Japonais sont déjà friands de voyages et de découvertes, se développent un nouveau genre de série d’estampes représentant les célèbres lieux à voir absolument et ce à travers tout le Japon. Les «Cent vues célèbres d’Edo» s’inscrivent dans la tradition de ces séries à but touristique, ici abordant les lieux réputés incontournables de la capitale (Edo étant l’ancienne Tokyo).

Focus sur l’œuvre

Nous nous trouvons ici dans une chambre de courtisane du célèbre quartier de plaisir de Yoshiwara. Les différents détails de l’œuvre permettent de raconter une histoire tout en représentant un paysage en profondeur grâce à l’audace de la composition et à l’habileté de Hiroshige. En effet, les éléments du premier plan nous laissent subtilement deviner qu’une courtisane a reçu un client : les peignes en bambou décorés (coin inférieur gauche de l’image) et juste au-dessus le papier en rouleau.

Pourquoi ces deux éléments indiquent la présence d’une courtisane et de son client ? Les peignes sont appelés kumade et sont des souvenirs typiques associés au festival Torinomachi dont on voit la procession par la fenêtre. La présence de ces peignes ainsi que le fait qu’on les ait sortis de leur emballage pour être admirés, suggèrent que quelqu’un les a offert tout récemment (le client) et que quelqu’un les a reçu et les admirés (la courtisane). Quant au papier, que l’on aperçoit presque en passant, c’est ce qu’on appelle le «papier pour l’acte honorable» (onkotogami), qui est l’accessoire indispensable à toute courtisane.1

Il ne s’agit pas ici seulement de l’ingéniosité de l’artiste, mais bien une des particularités de ces estampes de luxe (nishikie) dont le but n’était pas uniquement de proposer de belles images à admirer en bonne compagnie, mais aussi l’occasion de montrer son goût et ses connaissances à travers un jeu de sous-entendu et d’éléments à multiple signification.

Là où un chat paisible semble s’adonner à la contemplation de l’euphorie et de l’activité humaine se déroulant à l’extérieur, en réalité un autre genre d’euphorie à lieu non loin, derrière le paravent tout juste esquissé.


L’artiste ne montre rien, mais nous révèle tout!

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  1. OUSPENSKI Mikhail, Hiroshige, Parkstone Press International, New York, 2008, p. 219.

Que vient faire le chat ici ?

Ici le chat a un rôle principal, mais par défaut… Je m’explique. Si la scène principale (la courtisane et son client) n’est que suggérée tout comme la procession en arrière plan, il faut bien trouver un sujet concret à l’image. C’est là que le chat entre en scène.

Le chat reste le symbole de l’intérieur confortable et chaleureux. Ici aucune référence à son ambivalence symbolique (queue coupée, pelage blanc et gris), il s’agit donc d’un chat de compagnie ordinaire, qui se prélasse devant la fenêtre et par ce stratagème, nous indique qu’il y a bien quelque chose à voir de ce côté. Sa présence est donc indispensable à la lecture de l’image.

Si tu veux des histoires de chat démon, je t’invite à la conférence sur la figure du chat dans les contes japonais du dimanche 08 octobre 2023 (infos et inscription ici).

(c) Le Japon avec Andrea.

Utamaro et ses “insectes choisis”, ou comment les insectes peuplent les images à l’époque Edo (3/3)

Si Utamaro (vers 1753-1806)est principalement connu pour ces estampes de courtisanes (美人絵, bijin-e), ici j’ai choisi de te présenter une planche de son album “Insectes choisis” (絵本虫選, Ehon mushi erami) publié en 1788. Album appartenant à une trilogie un peu à part dans l’œuvre d’Utamaro, mettant à l’honneur les insectes, les coquillages et les oiseaux.1

Cet album est composé de planches représentant une plante ou autres végétaux et une ou plusieurs variétés d’insectes. C’est un bel exemple de gravure dans un style réaliste et détaillé, réalisées d’après une observation minutieuse de la nature et non plus d’après les modèles iconographiques classiques.2

L’ensemble est complété pour une série de poèmes parodique dits kyôka (狂歌) « chant sans rime ni raison » ou « poésie folle ». Présentant les mêmes caractéristiques formelles que le poème classique tanka (短歌), il est composé de 31 syllabes (5-7-5/7-7). Sa particularité réside principalement dans le choix des mots et le langage vulgaire utilisé.3 Son caractère collectif (l’écriture de kyôka se fait généralement lors de réunion de poètes où chacun compose une partie de l’ensemble) ainsi que son ton burlesque le rapproche d’ailleurs du haikai (ancêtre de la forme du haiku).4

Ce modèle d’association de poèmes et d’illustrations est hérité des concours littéraires thématiques organisés au sein de cercles d’amateurs. Dans cet album en particulier, chaque poème fait référence de façon subtile et raffinée à l’insecte représenté par Utamaro, représentant un défi de taille.5

  1. MARQUET, p.21.
  2. Ibid, p.22.
  3. Ibid, p. 30.
  4. ORIGAS, p. 161.
  5. MARQUET, p. 31.
Utagawa Utamaro, Libellule (Kagerō ou Tonbo), in “Ehon mushi”, 1788.

Un exemple concret : Libellule et papillons

Voici le poème proposé par Marena Toshinari à propos du papillon :

Chô –

yume no ma wa

chô tomo keshite

suite mimu

koishiki hito no

hana no kuchibiku

– le papillon –

le temps d’un rêve

se muer en papillon

pour butiner

comme une fleur les lèvres

de celle dont je languis1

Ici, la délicatesse du dessin et la douceur des tons sont sublimées par ces quelques mots badins, ou est-ce l’inverse ? Ne seraient-ce pas ces mots qui par cette subtile association visuelle gagnent en profondeur? Peu importe, le résultat est prenant et on ne s’étonnera pas que ce livre d’images reste un des plus bel exemple du talent de Utamaro.

Si on revient à nos amis les insectes, on remarque que sur cette planche, ils sont clairement mis en valeur par un jeu de composition et d’agencement entre texte calligraphié et éléments naturels. Contrairement à l’exemple tiré du “Précis de peinture du Jardin du grain de moutardedans l’article précédent, ici l’insecte ne sublime pas la fleur : il est bel et bien le thème principal !

On a donc un clair changement de perception de la nature et de ses habitants ainsi que dans le façon de les reproduire, passant d’accessoire à significatif. Le large développement des études zoologiques et des techniques scientifiques n’y est pas étranger et les artistes deviennent des vecteurs importants de transmission de ce changement de point de vue au sein d’un public de plus en plus nombreux.

  1. MARQUET, p. 95.

Utamaro (vers 1753-1806) s’est formé auprès de Toriyma Sekien (鳥山石燕), peintre de l’école Kanô (kanô-ha 狩野派). Il adopte son nom Utamaro (歌麿) vers 1781 alors qu’il se met à peindre des images de “belles femmes” (美人絵, bijin-e), après s’être exercé à la peinture d’acteurs de kabuki. Son œuvre (plus de 2600 estampes) est très riche et versatile et nous propose également des portraits en buste ou en pied et des recueils à portée zoologique.1

Bibliographie

  • MARQUET Christophe (textes et poèmes traduits et présentés par), Kitagawa Utamaro, insectes choisis – Myriades d’oiseaux, éditions Philippe Picquier, Arles, 2012.
  • ORIGAS Jean-Jacques, Dictionnaire de littérature japonaise, Puf, Paris, 2000.

(C) Le Japon avec Andrea.