Le Serpent dans le Folklore et l’Imaginaire Japonais : Entre Crainte et Vénération
Le serpent (hebi – 蛇) occupe une place singulière dans la culture japonaise, oscillant entre crainte et respect profond. Tantôt gardien des eaux, figure protectrice et symbole de fertilité, tantôt créature menaçante et rusée, il incarne une ambivalence fascinante qui se reflète dans les contes, les légendes et les lieux sacrés du Japon.
Le Serpent Protecteur : Symbole de Fertilité et de Prospérité
Dans certaines croyances rurales, le serpent est associé aux divinités de l’eau et de la récolte. Il est parfois vu comme le messager des kami (divinités shintoïstes), capable de protéger les foyers et les terres agricoles. Par exemple, dans la préfecture de Kumano, les temples dédiés à Benzaiten (déesse de l’eau, de la musique et de la sagesse) honorent souvent les serpents blancs, considérés comme ses messagers.
Dans les croyances populaires, il est aussi associé à la protection, surtout dans les sanctuaires shintoïstes où des statues de serpents sont parfois utilisées pour éloigner les mauvais esprits.
De la même manière, dans certains contes folkloriques japonais, un serpent prend la forme d’un jeune homme ou d’une fille pour devenir le partenaire d’un humain et l’aider à surmonter son quotidien pénible. Cependant, un humain et un animal fantastique ne peuvent vivre éternellement heureux et survient un malheur (souvent provoqué par l’humain et sa curiosité) qui renvoie l’animal dans son monde, laissant l’humain et sa progéniture au désespoir (par exemple dans le conte “Le serpent du ciel”)1. D’autres fois, c’est un serpent élevé par un couple d’humains mais sa forme et sa nature profonde l’empêchent de s’intégrer vraiment au monde des humain et il finit par se sacrifier pour garantir la prospérité du couple qui l’avait recueilli (voir le conte “Haze, le serpent reconnaissant”)2. Il existe aussi des versions où c’est l’humain qui décide de renoncer à son monde par amour et à rejoindre le serpent dans son élément aquatique (par exemple dans le conte “La mare à Oyoshi”)3.
- BIHAN-FAHOU Françoise et SHINODA Chiwaki, traduit du japonais et présenté par, “De serpents galants et d’autres”, éd. Connaissances de l’Orient, Gallimard, 1992, p.180-181.
- BIHAN-FAHOU Françoise et SHINODA Chiwaki, traduit du japonais et présenté par, “De serpents galants et d’autres”, éd. Connaissances de l’Orient, Gallimard, 1992, p. 191-192.
- BIHAN-FAHOU Françoise et SHINODA Chiwaki, traduit du japonais et présenté par, “De serpents galants et d’autres”, éd. Connaissances de l’Orient, Gallimard, 1992, p.244-247.
Le Serpent Malveillant : Créature de Défi et de Destruction
À l’opposé, certaines légendes présentent le serpent comme une créature redoutable. L’exemple le plus emblématique est celui de Yamata no Orochi, un serpent à huit têtes et huit queues qui terrorisait le pays d’Izumo avant d’être terrassé par le dieu Susanoo. On trouve la description de ce monstre à huit têtes dans le Kojiki (Receuil des faits anciens, 712, ouvrage marquant le début de la littérature japonaise) et le Nihon shoki (Annales du Japon, 720) il a “huit queues et huit têtes, ses yeux sont rouges comme des physalis, et il exhale un souffle venimeux semblable à des flammes. Son corps s’étend sur huit vallées et huit montagnes. Sur son dos poussent de la mousse, des cèdres et des cyprès. Tout le long de son ventre est parcouru de rivières de sang, et ses chairs sont constamment incandescentes”1. Ce mythe raconte à la fois la dangerosité du serpent et le pouvoir héroïque de ceux qui osent l’affronter.
Hors de la mythologie, la figure du serpent comme figure maléfique est souvent présente dans les contes folkloriques. Pour exemple les contes “Le serpent épinglé”(pp. 231-232) et “Le serpent samouraï” (pp.233)2.
Dans le monde de l’art, la figure du serpent est souvent utilisée pour sa forme facilement changeante, mais aussi pour son potentiel dramatique. Dans l’image ci-dessus, le serpent représente la jalousie obsessive qui l’on dit perdurer après la mort. C’est pour ça que les esprits des femmes jalouses (très présentes dans les histoires populaires) qui viennent hanter leur amant, sont souvent représentée sous forme de serpent. Ici il enlace une tablette funéraire placée à côté d’offrandes.3
Le serpent est donc souvent perçu comme une créature à la fois puissante et redoutée, mais aussi capable de transformation, un symbole de renouveau et de changement.
- JOLLIVAT Sylvain, Esprits et créature du japon : rencontres à l’heure du boeuf, éd. You Feng, p.12.
- Toujours tiré du recueil “De serpents galants et d’autres” traduit du japonais et présenté par BIHAN-FAHOU Françoise et SHINODA Chiwaki, éd. Connaissances de l’Orient, Gallimard, 1992.
- https://publicdomainreview.org/collection/hokusai-s-ghost-stories-ca-1830/
2025 – année du serpent
L’année 2025 est placée sous le signe du Serpent dans l’astrologie chinoise. Dans cette tradition, chaque signe du zodiaque est associé à une série de qualités et d’influences qui marqueront l’année. Le Serpent est souvent perçu comme un symbole de sagesse, de discrétion et de réflexion. Les personnes nées sous ce signe sont souvent vues comme mystérieuses, astucieuses et dotées d’une grande intuition. En 2025, ces caractéristiques seront renforcées, incitant à une période de réflexion profonde et de prudence dans les choix à venir.
Mi et Hebi, deux kanji différents pour un même animal
En japonais, le mot “Serpent” peut être exprimé de deux façons principales : hebi (蛇) et mi (巳). Bien que ces deux termes désignent le même animal, leur utilisation diffère. Le terme mi (巳) est spécifiquement utilisé pour désigner l’année du Serpent dans le zodiaque chinois et japonais, alors que hebi (蛇) est utilisé dans la langue courante.
Pourquoi ne pas utiliser le kanji hebi (蛇) pour ce contexte ? Le kanji mi (巳) est un caractère plus ancien et fait partie des douze signes du zodiaque traditionnel chinois et japonais, représentant les années et non simplement l’animal en soi. Le choix de mi renvoie ainsi à une tradition plus ancrée dans les croyances chinoises et japonaises, où chaque animal du zodiaque est lié à un cycle astrologique.
Je te souhaite donc une excellente année sous le signe du serpent et me réjouis de te retrouver au détour d’une future activité, en ligne ou en présentiel.
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Si les signes du zodiaques japonais t’intéressent, tu peux aller lire mon article sur le signe du lapin.
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(C) Le Japon avec Andrea