La figure du chat au Japon à travers une œuvre de Hiroshige
Petit aperçu avant la conférence du 08 octobre prochain dans le cadre de l’Automne de Culture Japonaise 2023 (infos et inscription ici).
Le chat, toute une histoire
Au Japon comme ailleurs, la figure du chat est ambivalente, tantôt porte-bonheur, tantôt démon abominable. En un mot, le chat fascine.
Aujourd’hui je te propose l’analyse d’une estampe d’Andô Hiroshige tirée de sa célèbre série “Cent vues célèbres d’Edo” où le chat vient attirer notre attention.

Alors que les Japonais sont déjà friands de voyages et de découvertes, se développent un nouveau genre de série d’estampes représentant les célèbres lieux à voir absolument et ce à travers tout le Japon. Les «Cent vues célèbres d’Edo» s’inscrivent dans la tradition de ces séries à but touristique, ici abordant les lieux réputés incontournables de la capitale (Edo étant l’ancienne Tokyo).
Focus sur l’œuvre
Nous nous trouvons ici dans une chambre de courtisane du célèbre quartier de plaisir de Yoshiwara. Les différents détails de l’œuvre permettent de raconter une histoire tout en représentant un paysage en profondeur grâce à l’audace de la composition et à l’habileté de Hiroshige. En effet, les éléments du premier plan nous laissent subtilement deviner qu’une courtisane a reçu un client : les peignes en bambou décorés (coin inférieur gauche de l’image) et juste au-dessus le papier en rouleau.
Pourquoi ces deux éléments indiquent la présence d’une courtisane et de son client ? Les peignes sont appelés kumade et sont des souvenirs typiques associés au festival Torinomachi dont on voit la procession par la fenêtre. La présence de ces peignes ainsi que le fait qu’on les ait sortis de leur emballage pour être admirés, suggèrent que quelqu’un les a offert tout récemment (le client) et que quelqu’un les a reçu et les admirés (la courtisane). Quant au papier, que l’on aperçoit presque en passant, c’est ce qu’on appelle le «papier pour l’acte honorable» (onkotogami), qui est l’accessoire indispensable à toute courtisane.1
Il ne s’agit pas ici seulement de l’ingéniosité de l’artiste, mais bien une des particularités de ces estampes de luxe (nishikie) dont le but n’était pas uniquement de proposer de belles images à admirer en bonne compagnie, mais aussi l’occasion de montrer son goût et ses connaissances à travers un jeu de sous-entendu et d’éléments à multiple signification.
Là où un chat paisible semble s’adonner à la contemplation de l’euphorie et de l’activité humaine se déroulant à l’extérieur, en réalité un autre genre d’euphorie à lieu non loin, derrière le paravent tout juste esquissé.
L’artiste ne montre rien, mais nous révèle tout!
………….
- OUSPENSKI Mikhail, Hiroshige, Parkstone Press International, New York, 2008, p. 219.
Que vient faire le chat ici ?
Ici le chat a un rôle principal, mais par défaut… Je m’explique. Si la scène principale (la courtisane et son client) n’est que suggérée tout comme la procession en arrière plan, il faut bien trouver un sujet concret à l’image. C’est là que le chat entre en scène.
Le chat reste le symbole de l’intérieur confortable et chaleureux. Ici aucune référence à son ambivalence symbolique (queue coupée, pelage blanc et gris), il s’agit donc d’un chat de compagnie ordinaire, qui se prélasse devant la fenêtre et par ce stratagème, nous indique qu’il y a bien quelque chose à voir de ce côté. Sa présence est donc indispensable à la lecture de l’image.
Si tu veux des histoires de chat démon, je t’invite à la conférence sur la figure du chat dans les contes japonais du dimanche 08 octobre 2023 (infos et inscription ici).
(c) Le Japon avec Andrea.
JAPONAIS / Te lancer (enfin) grâce aux objectifs SMART
C’est quoi la méthode SMART au fait ?
C’est une méthode qui t’aide à rendre tes objectifs tangibles et à mieux les atteindre. Tu peux appliquer cette méthode à tes projets pro ou perso (au développement de ton business, à la rénovation de ta maison, etc.). Mais surtout, tu peux l’appliquer à ton apprentissage du japonais !

Comment ça marche ?
SMART comme…
Spécifique
- quoi? qu’est-ce que tu veux accomplir?
- qui? qui est en charge du projet? qui participe et à quel degré?
- où? quel lieu, quelle plateforme en ligne?
- pourquoi ? pourquoi cet objectif est-il important pour toi?
Mesurable
- Comment suivre tes progrès?
- Quels sont les indicateurs de performance?
- Comment savoir quand l’objectif est atteint ?
Atteignable
- Est-ce que ton objectif est réaliste par rapport à tes ressources et contraintes du moment ?
- Est-ce que tu as toutes les capacités requises?
- Quelles sont les étapes ou les actions nécessaires pour réaliser l’objectif?
Réaliste (pertinent)
- Est-ce que cette action est vraiment pertinente par rapport à tes objectifs sur le long terme ?
- Est-ce le bon moment pour te lancer dans cette action ?
Temporel
- Quand vas-tu commencer ?
- Quelle est la date que tu te fixes pour accomplir ton objectif?
- Y a-t-il des étapes intermédiaires ?
Et pour mon japonais alors ?
Prends-toi 1h avec une boisson qui te fait du bien, dans un coin qui t’inspire. C’est parti!
Dans un carnet (sur une feuille ou une page Notion, ce qui te convient dans ton quotidien) note toutes ces questions en fonction de la pertinence de celles-ci par rapport à ta propre situation.
L’idée c’est qu’à la fin de cet exercice tu sois muni.e d’une marche à suivre et d’objectifs clairs auxquels tu vas pouvoir te référer en cas de coups durs, de passages à vide, de grosse démotivation…
Fait en sorte d’avoir toujours cette liste à portée de main dans ces cas-là, tel un soutien inconditionnel et un rappel que tous ces efforts mènent à un objectif final qui te tient à cœur.

Un exemple concret
On est en septembre, et la reprise des cours et des bonnes résolutions est d’actualité. Avec mes élèves en cours privé, chaque début d’année on fait cet exercice pour poser les choses et s’assurer que les objectifs n’ont pas changé si ce n’est pas un nouvel élève (et si les objectifs ont évolué alors les cours seront adaptés). Cet exercice sert aussi à se rappeler la finalité des cours (boost de motivation garantis, surtout avec les ados) et commencer l’année avec une planification claire des étapes intermédiaires (X leçons ou points de grammaire avant Noël, X capacités acquise avant Pâques, maîtriser les phrases de survie avant le voyage au Japon au mois de X, etc.).
Cette année, avec mon élève Valentin on a fait l’exercice et voilà ce que ça donne :
Spécifique
- Quoi et pourquoi ? Il part au Japon en mai 2024. Son but est de pouvoir communiquer en japonais lors de son voyage et de ne pas se sentir trop perdu. Il a appris les kana tous seul, mais n’est pas sûr de lui. Il va prendre 1 cours privé d’une heure par semaine avec moi et a du temps pour des devoirs. -> ce voyage l’a enfin décidé à se lancer dans le japonais, avant il en avait envie, mais ce n’était pas le bon moment pour lui.
- Qui ? Lui et moi.
- Où ? En ligne.
Mesurable
- On a environ 7 mois pour le mettre à l’aise. On commence avec un temps de révision des kana et pour moi vérifier que tout va bien (écriture, lecture et rectifier les erreurs éventuelles).
- On va partir sur les bases du japonais en mettant l’accent sur la conversation avec des phrases en début de cours et des questions à me poser. Au fur et à mesure, les phrases deviendront plus complexes.
- L’idée est de faire une leçon par semaine avec exercices écrits et questions orales pour voir si les notions sont acquises. (si difficultés = exercices complémentaires).
Atteignable
- Valentin a le temps en dehors de son travail de suivre les cours avec moi et de prendre au moins 1 temps de devoirs et révision en plus par semaine.
- Il est motivé par la perspective de son voyage et sait exactement pourquoi il a choisi de prendre des cours.
- Valentin n’est pas particulièrement studieux, mais avec ces objectifs clairs, il sait quoi faire (il a donc les capacités pour atteindre son objectif) et on est en train de mettre en place une routine applicable même les jours de non-motivation…
Réaliste
- Il ne souhaite pas être bilingue en 7 mois et il sait très bien que lors de son voyage et il ne comprendra pas tout, mais il souhaite être capable de poser des questions en cas de problème, de communiquer au restaurant, à l’hôtel et dans des situations du quotidiens.
- En plus de ce voyage, Valentin adore les manga et les animés et a une passion pour la cuisine japonaise. Son apprentissage peut ainsi avoir plusieurs ramifications futures, ce qui est un atout.
Temporel
- On a commencé les cours fin août 2023 et son voyage est fin mai 2024.
- On a posé des étapes jalons pour tester ses connaissances et évaluer ses progrès : avant les vacances d’octobre, avant les vacances de Noël et avant les vacances de Pâques. On pourra ainsi vérifier que les objectifs sont toujours alignés et revoir le contenu des cours si nécessaire.
En résumé, Valentin a le temps (et va prendre le temps!), la motivation et les capacités pour apprendre le japonais et atteindre des objectifs concrets et réalistes avant son voyage en mai prochain. Les périodes d’évaluation seront importantes pour voir ses progrès et surtout s’adapter en cas de difficultés pour lui garantir une expérience magique au Japon.
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Si toi aussi tu veux te lancer dans le japonais avec une prof passionnée, apprendre les kana en autonomie ou encore participer à des ateliers de conversation, viens découvrir mes offres.

La roue des kigo d’été
Bon, ok , c’est toujours pas une roue, mais l’essentiel est là!
Tu es en panne d’inspiration?
Tu n’arrives pas à choisir un kigo ?
Tu veux un peu de fun dans ta vie ?
Bam, voilà une petite joie à ajouter à ta liste aujourd’hui!
Mode d’emploi
Fais une capture d’écran (ou une photo avec ton téléphone si tu ne sais pas ce qu’est une capture d’écran…) de ma petite animation ci-dessous pour découvrir le kigo à utiliser aujourd’hui !

L’idée te plait?
Découvre ma boite à outils spécial écriture de haiku!
Le principe?
Des jeux, des défis, des explications et des exercices concrets pour réellement comprendre et intégrer les notions recherchées dans tout bon haiku qui se respecte (dixit Bashô) :
- des kigo efficaces
- les mots de césures
- la recherche de la simplicité
- la maîtrise de la suggestion (au détriment de la description)
- la légèreté
- l’humour
- la confrontation de l’immuable et de l’éphémère
- etc.
Une fois que tu t’es procuré la boite à outils, tu y auras accès indéfiniment ainsi qu’à toutes les mises à jours (et nouveautés).
Le livre du mois- juillet 2023
Le Rêve de Ryûsuke
Durian Sukegawa
Quel âge avait-il à l’époque? Quand sa mère lui avait montré une photo de l’île où s’était installé, seul, ce Sôichi Hashida dont elle lui parlait tant. Elle lui avait expliqué qu’il allait consacré sa vie à confectionner du fromage sur cette terre perdue au milieu de l’océan.
Même aux oreilles de l’enfant qu’était Ryôsuke, la voix de sa mère avait pris une intonation particulière.
Ce à quoi avait échoué son époux, cet ami intime s’y réessayait, loin d’ici. Lorsqu’elle l’avait expliqué à son fils, c’était la femme en elle qui parlait.
Sôichi, il garde toujours espoir.*
…
Un récit tout en délicatesse abordant des sujets forts comme le mal-être, la difficulté de trouver sa place dans une société où la quête du succès l’emporte sur tout le reste et les sacrifices qui jonchent le chemin menant à la réalisation de nos rêves. La description des paysages insulaires changeants et les caractères attachants des protagonistes font de ce livre un incontournable de mes lectures d’été.
Au plaisir de lire tes commentaires!
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*SUKEGAWA Durian, Le Rêve de Ryôsuke, éd. Le livre de poche, 2018, p.95.
Tanabata ou la fête des étoiles amoureuses
Chaque année, le 7 juillet, les Japonais fêtent Tanabata 七夕, une des cinq fêtes saisonnières importées de Chine (sekku 節句).
Si c’est l’occasion d’écrire ses vœux sur des bandelettes en papier (tanzaku 短冊) qu’on accrochera ensuite à une branche de bambou, c’est aussi l’occasion de regarder les étoiles!
En effet, la légende de Véga et Altaïr est indissociable de cette fête estivale. Parvenue au Japon probablement dès l’époque Heian (794-1185), cette légende venue de Chine est largement popularisée durant l’époque Edo (1603-1868).
De nombreuses étoiles se disent “double” ou “en couple” car elle partagent un même axe de gravité. Ces étoiles ont de tous temps stimulé l’imagination des conteurs et il existe de nombreuses variantes sur le légende des étoiles amoureuses dont voici la trame :
La légende de Tanabata (“la septième nuit”) met en avant l’histoire d’amour entre une déesse tisserande Orihime (Véga) et un bouvier humain Hikoboshi (Altaïr).
Pour lui, celle qui tisse “les habits de nuages” quitte le monde céleste, l’épouse et lui donne deux enfants. La mère de la déesse (ou le père selon les versions) la retrouve et la fait revenir dans le monde des dieux. Pour empêcher le bouvier bien décidé à retrouver sa femme d’arriver au royaume céleste, les dieux séparent les deux mondes par une rivière infranchissable, la Voie lactée.
Devant les pleurs incessant de la déesse d’un côté, du bouvier et de ses enfants de l’autre, les dieux leur accordent de se retrouver une fois par an, la septième nuit du septième mois.
Dès lors, chaque année, les Japonais fêtent ces retrouvailles amoureuses et accrochent leur vœux d’amour et de bonheur à des branches de bambou, symbole de bon augure et , selon la croyance populaire chinoise, capable de refouler les esprits malveillants responsables des séparations conjugales.
Alors, est-ce que tu vas fêter Tanabata cette année?!

Image d’en-tête : Ando Hitoshige, La ville florissante, festival de Tanabata, in “Cent vues d’Edo”, estampe ukiyo-e, 1857, détail.
Haiku décortiqué #3 : Matsuo Bashô
Pour ce nouvel “haiku décortiqué”, je t’invite à découvrir un haiku d’été de Matsuo Bashô (1644-1694).

Petite récapitulation de ce qu’on attend d’un haiku classique:
- la métrique 5-7-5, qui donne au haiku classique tout son sens et rend le poème réutilisable dans différentes situations (renga).
- 1 kigo ou mot de saison qui pose un décor, provoque des images et des sensations dans l’imaginaire du lecteur
- 1 mot de césure qui viendra donner de la profondeur au poème en suggérant une émotion plus ou moins intense.
L’analyse en image:

La métrique 5-7-5
Si ici le poème entier fait bien 17 syllabes, la métrique 5-7-5 est un peu bousculée en français… (en japonais elle est bien présente).”Le chant des cigales” est une ligne en 5+ (5 syllabes + 1 e muet) et la troisième ligne est de 4 syllabes.
Étant une traduction et non un de mes poèmes, j’ai choisi de privilégier le sens japonais et de ne pas ajouter un adjectif qui compléterait la métrique. Pourquoi? Parce que Bashô n’a pas préciser la nature de son silence. Est-ce que c’est un silence doux? profond? salvateur? étonnant? Mystère. En traduction, choisir d’ajouter un adjectif ou un mot risque de donner une autre intension au poème que celle initialement voulue par Bashô. Risque que je n’ai pas voulu prendre!
En japonais, une des raisons pour lesquelles la métrique 5-7-5 est tellement utilisée en littérature, est qu’elle est naturellement présente dans la langue japonaise. Des expressions et locutions courantes utilisent cette métrique et comme on le voit bien ici, shi-zu-ka-ya, pas besoin de fioriture.
En français bien sûr, c’est un peu différent. Donc si pour combler le nombre de syllabes tu choisis de mettre un adjectif, voici quelques questions à te poser :
- Qu’est-ce que ce mot va apporter à ton poème ?
- Est-ce que tu as déjà mis 3 autres adjectifs ?
- Est-ce qu’il y a répétition ?
- Est-ce que cet adjectif supporte le sens général de ton poème ou est-ce qu’il amène de la confusion ?
- Est-il vraiment utile au niveau du sens ?
- Comment faire pour le rendre utile ?
Un kigo
Ici le chant des cigale, élément incontournable des étés à la campagne. Il s’agit d’un kigo très efficace car si tu as déjà passé un été dans le sud ou près des champs, tu sais ce qu’il implique: chaleur, soleil, silence lourd de la sieste, bruit de fond incessant, etc. Pour chaque lecteur, l’effet sera différent. Ce qui est certain, c’est qu’une panoplie de sensations et d’émotions vont surgir du fond de chaque mémoire pour rendre ce kigo tangible et donner une dimension sonore et vivante à ce poème.
Un mot de césure
Ici le mot de césure en japonais est ya, qui donne une nuance de surprise, d’étonnement et d’admiration. Si kana marque plutôt l’emphase, ya marque la surprise suivie de l’admiration face à l’élément qui le précède, ici le calme, la tranquillité, le silence (shizukasa).
Attention, il y a autant d’interprétation que de lecteur! Par exemple, est-ce que chant des cigales est tellement présent qu’on finit par ne plus l’entendre? est-ce que le chant des cigales fait partie intégrante du “tableau” de l’été et confère à ce temps estival son rythme calme? est-ce qu’au contraire, parce que l’auteur est dans la montagne le chant des cigales est littéralement absorbé par la roche? Tout est possible.
Alors ?
Et toi, quelle est ton interprétation?
Est-ce que ce genre d’analyse poussée t’aide, te questionne, te confond en perplexité ? N’hésite pas à partager tes ressentis avec moi.
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(C) Le Japon avec Andrea, 2023, tous droits réservés.
Le livre du mois- juin 2023
Japon, L’archipel aux 72 saisons
Zoé Jégu
La division de l’année en 24 saisons est relativement répandue auprès du grand public. A la télévision, les bulletins météo y font régulièrement allusion et certaines marques n’hésitent pas à en faire un argument marketing.
Les 72 micro-saisons, en revanche, ne sont connues que par les personnes qui s’intéressent de près à l’ancien calendrier. C’est notamment le cas des haïkistes qu choisissent avec précaution les expressions saisonnières (kigo 季語) pour leurs poèmes.*
Shôman (小満) : La petite abondance, à partir du 21 mai
La vie sous toutes ses formes commence à foisonner : la végétation devient luxuriante, les insectes volettent dans les airs, les fleurs s’épanouissent, les fruits mûrissent… Toute la création est parcourue d’une énergie de croissance et de vitalité. […] **
…
Si tu aimes écrire des haiku ou en lire ou simplement suivre les changements de saison dans leur microcosme, ce livre est fait pour toi ! Simple, clair, avec des explications fouillées et de magnifiques illustrations, ce livre est à feuilleter au fil des saisons ou à étudier consciencieusement. Entre fêtes traditionnelles, coutumes populaires et activités humaines, prépare-toi à un véritable voyage au Japon sans bouger de ton canapé.
Au plaisir de lire tes commentaires!
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*JEGU Zoé, Japon, L’archipel aux 72 saisons, éd. Sully, 2023, p.15.
** Ibid, p.60.
Utamaro et ses “insectes choisis”, ou comment les insectes peuplent les images à l’époque Edo (3/3)
Si Utamaro (vers 1753-1806)est principalement connu pour ces estampes de courtisanes (美人絵, bijin-e), ici j’ai choisi de te présenter une planche de son album “Insectes choisis” (絵本虫選, Ehon mushi erami) publié en 1788. Album appartenant à une trilogie un peu à part dans l’œuvre d’Utamaro, mettant à l’honneur les insectes, les coquillages et les oiseaux.1
Cet album est composé de planches représentant une plante ou autres végétaux et une ou plusieurs variétés d’insectes. C’est un bel exemple de gravure dans un style réaliste et détaillé, réalisées d’après une observation minutieuse de la nature et non plus d’après les modèles iconographiques classiques.2
L’ensemble est complété pour une série de poèmes parodique dits kyôka (狂歌) « chant sans rime ni raison » ou « poésie folle ». Présentant les mêmes caractéristiques formelles que le poème classique tanka (短歌), il est composé de 31 syllabes (5-7-5/7-7). Sa particularité réside principalement dans le choix des mots et le langage vulgaire utilisé.3 Son caractère collectif (l’écriture de kyôka se fait généralement lors de réunion de poètes où chacun compose une partie de l’ensemble) ainsi que son ton burlesque le rapproche d’ailleurs du haikai (ancêtre de la forme du haiku).4
Ce modèle d’association de poèmes et d’illustrations est hérité des concours littéraires thématiques organisés au sein de cercles d’amateurs. Dans cet album en particulier, chaque poème fait référence de façon subtile et raffinée à l’insecte représenté par Utamaro, représentant un défi de taille.5
- MARQUET, p.21.
- Ibid, p.22.
- Ibid, p. 30.
- ORIGAS, p. 161.
- MARQUET, p. 31.

Un exemple concret : Libellule et papillons
Voici le poème proposé par Marena Toshinari à propos du papillon :
– Chô –
yume no ma wa
chô tomo keshite
suite mimu
koishiki hito no
hana no kuchibiku
…
– le papillon –
le temps d’un rêve
se muer en papillon
pour butiner
comme une fleur les lèvres
de celle dont je languis1
Ici, la délicatesse du dessin et la douceur des tons sont sublimées par ces quelques mots badins, ou est-ce l’inverse ? Ne seraient-ce pas ces mots qui par cette subtile association visuelle gagnent en profondeur? Peu importe, le résultat est prenant et on ne s’étonnera pas que ce livre d’images reste un des plus bel exemple du talent de Utamaro.
Si on revient à nos amis les insectes, on remarque que sur cette planche, ils sont clairement mis en valeur par un jeu de composition et d’agencement entre texte calligraphié et éléments naturels. Contrairement à l’exemple tiré du “Précis de peinture du Jardin du grain de moutarde” dans l’article précédent, ici l’insecte ne sublime pas la fleur : il est bel et bien le thème principal !
On a donc un clair changement de perception de la nature et de ses habitants ainsi que dans le façon de les reproduire, passant d’accessoire à significatif. Le large développement des études zoologiques et des techniques scientifiques n’y est pas étranger et les artistes deviennent des vecteurs importants de transmission de ce changement de point de vue au sein d’un public de plus en plus nombreux.
- MARQUET, p. 95.
Utamaro (vers 1753-1806) s’est formé auprès de Toriyma Sekien (鳥山石燕), peintre de l’école Kanô (kanô-ha 狩野派). Il adopte son nom Utamaro (歌麿) vers 1781 alors qu’il se met à peindre des images de “belles femmes” (美人絵, bijin-e), après s’être exercé à la peinture d’acteurs de kabuki. Son œuvre (plus de 2600 estampes) est très riche et versatile et nous propose également des portraits en buste ou en pied et des recueils à portée zoologique.1
Bibliographie
- MARQUET Christophe (textes et poèmes traduits et présentés par), Kitagawa Utamaro, insectes choisis – Myriades d’oiseaux, éditions Philippe Picquier, Arles, 2012.
- ORIGAS Jean-Jacques, Dictionnaire de littérature japonaise, Puf, Paris, 2000.
(C) Le Japon avec Andrea.
Le livre du mois- avril 2023
Izumi Shikibu, poèmes de cour
YOSANO Fumi
つれづれと物思ひをれば春の日のめに立つ物は霞なりけり
tsuredzure to mono omohi woreba haru no hi nomeni tatsumono ha kasumi narikeri
Comme je passais mon temps en songeries
ce qui se présenta à mes yeux en cette journée
de printemps fut la brume *
.
螢火は木の下草も暗からず五月の闇は名のみなりけり
keika ha ki no shitakusa mo kurakarazu gogatsu no yami ha na no minarikeri
Sous les feux des lucioles,
les sous-bois ne sont pas sombres
Les ténèbres de mai ne le sont que de nom. *
.
朝風にけふおどるきて數ふれば一夜のほどに秋は来にけり
asakaze ni kefu odorukite sufureba ichiya no hodoni aki ha kinikeri
Surprise aujourd’hui par le vent du matin
je compte les jours
En une nuit, l’automne est arrivé *
.
寝る人をおこすともなき埋み火を見つつはかなく明かす夜な夜な
neru hito wo okosu tomonaki uzumibi wo mitsutsu hakanaku akasu yonayona
Ces nuits et ces nuits
à attendre tristement l’aube
en regardant le feu enfoui sous la braise
sans réveiller celui qui dort *
…
Est-ce que tu connais la forme du tanka? Il s’agit de la forme poétique japonaise classique et est composé de 31 syllabes (5-7-5 / 7-7). Et oui, le 5-7-5 que l’on appelle hokku va amener à la forme du haikai (époque Edo 1603-1868) d’abord puis du haiku (ère Meiji 1868-1912) ensuite.
Dans ces tanka d’Izumi Shikibu, poétesse de cour à l’époque Heian (794-1185) on ressent une atmosphère teintée de nostalgie, d’attente, mais aussi une sourde tristesse qui nous entraînent dans un tourbillon d’émotions bien loin des jeux cocasses d’Issa ou du réalisme de Bashô.
Ici chaque expression fait référence à des images codées et définies à travers le temps et le langue poétique pour arriver à l’essence des sentiments humains dans leur subtil écho à la nature. Bonne découverte!
Au plaisir de lire tes commentaires!
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*YOSANO Fumi (traduit et présenté par), “Izumi Shikibu, poèmes de cour”, édition Orphée / La Différence, 1991.
Référence des poèmes cités :
- p.27
- p.29
- p.40
- p.41